mardi 19 décembre 2006

Méthodes de débat

Voici les méthodes de débat inspirées de l'analyse institutionnelle et de la socianalyse.

1. Organiser/Prévoir un collectif d’animation

Définition : L’organisation et l’animation du débat participatif doivent s’appuyer sur plusieurs personnes, organisées en collectif d’animation. Le collectif d’animation est responsable du débat. Le débat ne doit pas reposer sur un animateur solitaire. Les animateurs (sauf ceux chargés du compte-rendu) restent debout. Ils contiennent physiquement le dispositif.

Rôle du collectif d’animation :
 Un animateur pour assurer la dynamique du débat (travail sur le processus de débat, faire taire les bavards, faire parler les silencieux, bloquer les apartés, éviter les messes basses, tenir le temps, faire bouger les participants si on change de disposition spatiale)
 Un animateur pour reformuler et synthétiser le débat (travail sur le fond, synthèse des idées en débat, mise en valeur des convergences et des contradictions)
 Prévoir quelques personnes pour élaborer le compte-rendu du débat
 S’ouvrir : prévoir un espace d’inscription pour que les gens puissent s’investir ensuite dans un GT, un comité, une section … Apporter leur aide, ou simplement être tenus informés.
 Organiser la convivialité (Pot..repas ensemble dans un restaurant proche pas cher, en se mélangeant aux gens, en évitant de se replier sur le collectif d’animation)
 Assurer un service d’ordre (être au clair sur la conduite à tenir en cas d’agression)
Ce collectif prépare le dispositif, le mène collectivement et le débriefe. Les questions d’amour-propre sont réglées en amont. Par exemple: il faudra parfois passer devant l’animateur « dynamique du débat» s’il est débordé, et reprendre la main sans qu’il y s’en formalise; décider de changer le dispositif, de se mettre en sous-groupe quand des contradictions bloquent..Tout cela sans crise. Il faut un collectif fluide où tout se passe en bonne intelligence.

2. Annoncer nos valeurs (les règles du débat)

 On se respecte
 On s’écoute
 On parle sans tabou – Pas de langue de bois – Pas de peur des idées nouvelles
 On est transparent sur les tenants et les aboutissants du débat
 On trace ce qui se dit, les personnes peuvent vérifier le compte-rendu (et y contribuer si possible).
 Tout le collectif d’animation doit être exemplaire sur ces points (pas d’apartés, pas de tel portable, arriver à l’heure, rester concentré sur le dispositif).
Ces valeurs ont été mises en avant par Ségolène Royal dans sa campagne interne. Elles seront un point d’appui dans l’animation des débats, en particulier en cas de longueur excessive des interventions ou d’agressivité.

3. Inscrire le débat dans un processus et projet commun, un processus
Animer un débat participatif, c’est créer et tenir un dispositif par lequel la parole des gens qui vont participer va représenter une action. Une action sur le PS, sur DA, sur la candidate. Ils vont, en s’exprimant, agir sur des décisions, des orientations. C’est l’animation doit proposer des CONSIGNES de réflexion ou de débat très claires. Exemple de consigne efficace, sur le syndicalisme, la consigne était : « comment donner envie aux gens d’adhérer à un syndicat ? Ségolène a posé cette question et attend nos réponses pour telle date ».
Il ne s’agit pas de faire parler un Expert, puis d’organiser une séquence de questions/réponses. Ni de solliciter des opinions, des réponses oui/non…Ce schéma, centré sur l’Expert, atomisant les participants, doit être dépassé. Certes, il est parfois nécessaire d’informer. Mais pas dans ces débats annoncés comme participatifs !
Le participatif, c’est un travail d’élaboration collective.
On propose un moment de réflexion et de construction collective d’idées, qui s’inscrit dans un projet, dans un processus, avec un amont et un aval, avec des délais.
Par exemple, on met en débat l’une des synthèses que les quatre responsables de thème préparent actuellement sur la violence, la vie chère, l’éducation, l’environnement et le co-développement. Leur délai, c’est fin janvier 2007.
Ou alors, on met en travail des éléments du programme du PS : sur tel point, comment passer de la parole aux actes ? Comment se mettre en mouvement sur ces thèmes ? Quelles seraient les voies nouvelles ? Etc.
Un débat participatif n’est pas un débat où les gens participent « tout court ». Si c’était le cas, parler de débat participatif serait un pléonasme !

4. Communiquer sur le débat pour inclure les personnes concernées
Le principe étant d’inclure toutes les personnes concernées par le sujet traité, il y a un important travail de publicité du débat à assurer. Pour le moment, on retrouve souvent dans les cafés et les débats des personnes qui sont des militants, des membres d’associations, bref des citoyens « super experts » Il faut essayer de déborder ce cercle restreint et de s’ouvrir.

Comment procéder ?
Pour toucher les citoyens concernés, on a parlé de moyens multiples : communiqués de presse, affiches, mailing listes, lettres dans les boîtes, info sur les radios. Choisir les moyens appropriés aux publics que l’on vise.
Il faut aussi aller porter le débat dans les lieux où vivent et travaillent les personnes concernées, ou dans les endroits fréquentés par celles-ci.


5. Animer en respectant toujours le principe de triangulation

Le collectif animateur ne doit jamais se trouver dans une relation 2 à 2 avec la salle (ne pas être face à la salle mais se placer dans le public). L’animateur est un connecteur et un metteur en scène. Il met la lumière non pas sur lui, mais sur ceux qui dialoguent. Il passe la parole. Il est libre et neutre. Il renvoie les messages adressés par un pôle vers un autre pôle. L’animation est indépendante du pôle des Experts et du pôle des politiques (DA + PS).
On sollicite les citoyens, en tant qu’experts de leur quotidien. Ils sont donc placés dans la même configuration que les « grands Experts » avec un E majuscule.
Les référents DA ou les politiques sont ceux qui OFFRENT cet espace de débat. Ils en sont les destinataires.
Bien rendre visible qui est le destinataire de ce débat. A quoi il va servir ? Comment marchera la boucle de retour ?


6 Montrer les convergences /Travailler sur les divergences = libérer les énergies

Dans un débat participatif, chacun ne représente que lui-même.Tout l’intérêt du débat est de montrer les points sur lesquels on converge et ceux sur lesquels on diverge. Faire travailler les divergences. Suivre les points « analyseurs » (qui font débat, qui provoquent des prises de position), trouver les jeux de forces, montrer les polarités, faire creuser les logiques qui sous-tendent les oppositions. Chercher les articulations. C’est la contradiction qui donne la vie au débat.

7 Briefer les Experts : ils sont là pour soutenir l’expertise citoyenne

 Si des experts sont invités au débat, il faut leur donner une place mais pas l’ascendant.
 Ils sont là pour renforcer l’expertise des citoyens, les valoriser, les aider, les inciter à oser
 Interdiction de s’en servir pour valider ou invalider les idées des participants.
 Les experts peuvent aider à penser, reformuler
 Nécessaire ouverture de l’expert sur le futur (éviter de nous renvoyer sur le passé, l’impossible).
 Pas de dépendance vis-à-vis de l’expert (Quand on ne sait pas, éviter de se rabattre sur lui…)
 L’expert ne représente que lui-même
 Eviter les associations…

8 Impliquer les participants
Leur demander de restituer, écrire sur des papers-boards, participer au compte-rendu, bouger eux-mêmes les chaises (AG – sous groupes – AG), changer la configuration de la salle.

9 Convivialité et accueil de la presse
Chaleur de l’accueil, plaisir d’être ensemble
Un pot, un repas pris ensemble à la sortie permet de continuer les débats, nouer des liens, réguler les tensions
Presse
Les journalistes, s’ils se sont annoncés, sont reçus et invités à respecter le dispositif qu’ils ne doivent pas déformer. Prévoir un espace-temps pour eux, des conditions de travail qui leur facilitent la vie sans perturber les éléments clefs de la participation.

10 Consigner le débat dans un compte-rendu type
 Date du débat ;
 Lieu du débat, animateurs, experts éventuels
 Thème traité ;
 Nom du rapporteur
 Participants : nombre, profils…
 1/ Remarques d’ordre général (ambiance..)
 2/ Points abordés et propositions
 3/ Question en suspens / Points bloquants
 4/ Prochaines étapes

11 Fournir aux participants un objet/souvenir du débat..
Proposer de petits objets que l’on emporte avec soi et que l’on peut porter sur soi. A minima les macarons DA. Le bracelet « génération anti sarko » était très bien aussi. La petite boîte à anis, marquée PS, avec sur le couvercle : « envie de douceur » …sympa et drôle ! Prix de ces choses : 1 euro.



12 Etre non directif sur le fond : pas de maîtrise a priori des contenus - Etre directif sur la forme

 Cela signifie que nous tenons fermement notre dispositif de débat (timing, séquences, formes du débat, consignes de réflexion), mais nous ouvrons au maximum les choses concernant les contenus abordés par les gens Nous sommes là pour comprendre et creuser les logiques qui sont derrière les propos tenus : on travaille le pourquoi des idées, des critiques, des avis.
 En particulier, l’animation propose des formes spatiales facilitant le débat, clarifiant qui parle avec qui
 Le timing peut être modifié, ainsi que les formes du débat, mais il faut tenir dans l’espace temps prévu. Eviter la dispersion, le débat qui continue pendant que des gens se lèvent et s’en vont parce que le temps est écoulé.
 Etre vigilant sur le choix de l’espace. Ne pas hésiter à bouger l’espace
 Prévoir les scénarios de repli, des dispositifs alternatifs: si trop de monde ou pas assez

Exemple de séquences
> 1. ACCUEILLIR
> Noter les coordonnées des participants pour envoi du compte-rendu de la réunion et info sur suites de la campagne
> Placement des participants dans la salle selon les attendus de la réunion (2 et 3) et dispositif retenu (5)
> 2. DEFINIR LA SITUATION :
> L’animation affirme les quelques principes de ce qu'est un débat participatif. Participer à ce débat, c'est s'engager à respecter ces principes. Exposé des règles du jeu, des valeurs.
> En profiter pour présenter les éventuels experts et leur rôle qui est de soutenir positivement et valoriser l'expertise citoyenne.
> L’animation présente aussi le référent ou l’élu qui représentent le pôle politique de ce débat.
> 3. LES POLITIQUES OU REFERENTS DA DISENT CE QU'ILS ATTENDENT de ce débat :
> Pourquoi ce sujet ? Le référent DA ou les politiques présents disent le lien entre ce débat et ce que dit le Projet Socialiste, ce que Ségolène développe en particulier. Ils disent ce qu’ils attendent de ce débat : par exemple, avancer et résoudre certaines problématiques ? Lesquelles ? Ils montrent ce qui est acquis, ce qui est encore flou, les points à creuser, ce qui est difficile et pourquoi ?
> Bien expliquer quelle sera la plus value de ce débat pour eux.
> 4. DIRE CE QU'ON VA FAIRE DE CE QUI VA ETRE PRODUIT :
> il y aura un retour vers les participants (via un compte rendu, avec enregistrement ) diffusé où ? quand ?
> A quoi va servir la production ? quand ? comment ? et qui va en faire quoi ?
> 5. SEQUENCE DE PRODUCTION PARTICIPATIVE : L’ANIMATION PREND LA MAIN ET DONNE LA CONSIGNE DE TRAVAIL DE CE DEBAT
> L'organisation de la salle (la forme) et les consignes de travail sont fonction des objectifs attendus (cf 3) :
Il existe plein de possibilités.
> Exemples variables selon le nombre de personnes attendues, la taille de la salle, le placement possible des chaises et la durée de la réunion.
> Faire X sous groupes, chaque sous groupe travaille sur X sujets
> ou
> Faire X sous groupes de 10 - 15 personnes travaillant sur 1 seule consigne
> Durant cette phase, les experts se plongent dans un sous groupe avec pour consigne d'aider à la production de ce qui émerge.
> 6. SEQUENCE de PARTAGE DE LA PRODUCTION (Restitution - avec synthèses )
> Durant cette phase, chaque groupe restitue. On met en débat ces restitutions avec toute l’assemblée, et les experts. Les politiques s’expriment.
> 7. SEQUENCE de CONCLUSION : l’animation remet en scène le référent DA ou les politiques qui ont posé les problèmes.
> 8. L’animation indique les RV à VENIR, et donne ses REMERCIEMENTS
L’ANIMATION DOIT ETRE SÉPARÉE DES REFERENTS OU DES POLITIQUES

Définition de la démocratie participative

En travaillant sur nos pratiques, nous sommes arrivés à la même conclusion que le chercheur Loïc Blondiaux.

Le participatif désigne l ‘ensemble des dispositifs et procédures qui donnent une place aux individus lambda dans une décision.

L. Blondiaux insiste sur le fait que le participatif est une OFFRE.
C’est une sollicitation, qui appelle un engagement des individus qui y répondent comme de ceux qui ont fait cette offre .

Les deux autres mots clefs sont DISPOSITIF et DECISION.
Par exemple, le management participatif offre aux salariés une place dans certaines décisions.
La recherche-action offre à l’acteur social une place aux côtés du chercheur, l’acteur social n’est pas un objet, mais un « savant de l’intérieur ».
Dans le travail social, les utilisateurs d’un centre social conduisent le centre avec les professionnels chargés de son animation.
Dans l’urbanisme, les habitants sont invités à travailler avec des professionnels pour construire des cahiers de préconisations qui sont intégrés dans le cahier des charges. Ils ont une vraie place de maîtrise d’usage, aux côtés de la maîtrise d’œuvre (architectes et urbanistes) et de la maîtrise d’ouvrage (élus).

Les débats participatifs

N’ayons pas peur de nous lancer dans le montage de vrais débats démocratiques participatifs – peur des gens, peur de ne pas y arriver, peur d’être débordé, pas compétent – Il faut plonger dès maintenant, sans plus attendre, dans la multiplication de ce type de débats, que ce soit en petit ou grand format.

Ce serait difficile et risqué si nous restions les uns et les autres isolés.
Ce sera réussi si nous nous lançons tous ensemble, en partageant nos références, en échangeant nos expériences, nos dispositifs, nos interrogations, car alors nous bénéficierons d’un grand nombre d’expériences et nous progresserons rapidement. Ces débats sont basés sur la confiance qu’on fait aux autres, confiance dans l’intelligence collective. Cette confiance, c’est une valeur de Ségolène Royal, c’est une valeur de la Gauche.

Notre GT vous propose des principes, des méthodes et des techniques de débats démocratiques participatifs tirés des expériences pratiques de certains de ses membres. Il y a Patrice Ville, Christiane Gilon, Fabienne Fillion, Thierry Colis et Abdennasser El Gourari pour ce qui est des méthodes de débat participatif. Il y a Eric Taver et Jean-Marie Hennin pour l’urbanisme participatif et le concept très clair de « maîtrise d’usage ». Il y a Pierre Lecomte qui dirige un centre social de façon participative…

Nous sommes prêts à aider à monter vos dispositifs de débat. A partager dispositifs et retours d’expérience. Répondre aux doutes et interrogations. Nous vous proposons de créer ensemble un réseau d’animateurs prêts à se lancer dans l’aventure. Nous appelons aussi tous ceux qui sont prêts à rédiger des comptes-rendus synthétiques à entrer dans le réseau et se faire connaître.

Enfin nous avons tous besoin de faire l’inventaire des lieux où ces débats sont possibles. Des lieux où l’on peut aisément bouger les dispositifs, lieux adaptables.